Enfant, tout nous semble promis. En voyant les adultes, on est impressionné par ce que font nos parents et en admiration face à tant d’exploits réalisés au quotidien dans le monde qui nous entoure. Notre désir est de grandir au plus vite pour entrer dans ce monde d’adulte qui paraît si attrayant. Déchiffrer le journal ou monter sur un vélo deviennent des épreuves à réaliser pour être admis dans le monde des grands.
Certains se voient pompiers, docteurs ou cosmonautes. On ne doute pas d’être capable de toutes les prouesses vues à la télévision, mais en se confrontant à la réalité, on découvre nos difficultés dans les activités, particulièrement sportives et artistiques à l’école ou extrascolaires. Sauter toujours plus haut, courir plus vite que les autres ou apprendre à jouer d’un instrument de musique, relèvent d’efforts insurmontables. L’évolution de nos progrès est si lente que notre détermination est vite émoussée. C’est le désappointement et le découragement qu’il nous faut admettre et digérer. Encouragé par les parents, on se concentre sur les domaines qui semblent le mieux nous réussir. Chaque avancée est saluée par notre entourage mais la route semble bien longue avant d’atteindre les succès que l’on avait imaginés. Les plus doués d’entre nous trouvent leur épanouissement, d’autres finissent par capituler par désenchantement et la pression de leur entourage.
Avec la compétition qui nous est imposée, les échecs successifs sont parfois cruels. Nos rêves ainsi confrontés à la réalité laissent place à une certaine désillusion.
A l’adolescence, on a déjà abandonné un bon nombre de nos ambitions et le doute s’installe dans notre vie, même dans les domaines pour lesquels on a quelques satisfactions, une crainte subsiste. Cette remise en question est difficile et nous pousse à l’isolement. En dehors de quelques uns qui soutenus fermement par leur entourage, se réalisent dans un domaine particulier, les hésitations nous envahissent parfois au point de nous inhiber totalement.
Cette époque de notre vie est délicate et douloureuse. Avant de bien se connaitre et s’accepter tel qu’on est, le monde semble parsemé d’embuches. Face à l’image d’un ainé, parent ou ami, l’adolescent se construit par imitation de son modèle mais peut aussi prendre radicalement le contre-pied par une profonde aversion.
Petit à petit, on se concentre sur nos points forts en faisant au mieux pour être à la hauteur des attentes de notre famille. Des limites s’imposent à nous dont on sent bien qu’elles nous imposent de revoir à la baisse la plupart de nos ambitions.
Sur le plan intellectuel, les examens et les concours vont contribuer à fixer notre situation dans la société. Malgré un réel potentiel, certains sont déjà définitivement mis au banc de la société et pour eux le chemin sera encore plus difficile.
En participant à des épreuves sportives, la confrontation est aussi sans appel et nous fait prendre conscience de notre vrai niveau. Dans tous les cas la pression est très forte et certains peuvent lâcher prise.
En vieillissant on réalise l’étendue de nos imperfections. On transige, on s’adapte pour trouver notre place dans le monde du travail. On fait l’expérience des humiliations quotidiennes face à tous les pouvoirs auxquels ont est assujettis. En dehors du soutien de quelques amis, la société se révèle féroce, avec le plus souvent une absence totale de solidarité qui entraîne jalousies et rivalités à tous les niveaux.
Le couple est bien la sphère où l’on souhaite trouver un refuge d’entente mutuelle et de soutien indéfectible. L’alchimie entre les deux époux n’est possible qu’avec partage, indulgence et compréhension. S’il existe une rivalité dans cette intimité, l’échec est assuré et les blessures sont lourdes de conséquences.
On apprend à se connaitre, chaque jour un peu plus. Avec stupeur on s’aperçoit que l’on retrouve dans nos pensées et nos comportements, les mêmes défauts que ceux qui nous agaçaient tant chez nos parents. Cela nous incite à beaucoup plus de tolérance et de compréhension vis-à-vis de notre famille.
La leçon n’est pourtant pas suffisante pour éviter les travers de notre propre éducation pour construire une famille et élever des enfants. Le plus souvent, on ne peut s’empêcher de reproduire les mêmes erreurs, en laissant place aux non-dits en oubliant combien nous-mêmes avons pâtis de ce manque de communication. Par manque d’attention et excès de pudeur, on laisse passer les bonnes occasions en pensant que plus tard il sera toujours possible de réagir, alors qu’il n’en est rien.
L’âge aidant on assume nos manques plus facilement et on regarde la vie avec plus de lucidité. Si les frustrations sont bien digérées, il est même possible de trouver un certain confort de vie. Il est de toutes façons trop tard pour s’amender, le monde autour de nous continue de tourner sans qu’on prendre de l’emprise sur lui.
Alors qu’on était près à tout, on se découvre bon à rien.
Chacun s’accommode de ses remords comme de ses regrets, même si on exprime des excuses à tous ceux que l’on a pu décevoir, on ne peut qu’assumer les conséquences. On comprend un peu tard, qu’il est impossible de revenir en arrière et encore moins d’effacer toutes les plus mauvaises pages de notre vie. L’existence qui s’écrit au jour le jour n’est pas un brouillon dont on aura ensuite l’occasion de retranscrire au propre, toutes les tâches et les ratures apparaitront quoi qu’on y fasse.
Un moment de fragilité ou d’inattention peut avoir de lourdes conséquences. Même si on admet ne pas avoir toujours été à la hauteur de la situation, il s’avère impossible d’être pardonner. Chaque parole trop hâtivement prononcée, chaque prise de décision malencontreuse, sera profondément gravée. Nos faiblesses ne peuvent en aucune façon nous valoir de l’indulgence. Pour nos proches, l’amour ne peut exister sans preuves d’amour et toutes les bonnes intentions ne suffisent pas à combler les carences.
A l’heure du bilan, il n’est nullement question de réussite sociale, de popularité ou même de fortune amassée. On ne fait pas obligatoirement preuve d’indulgence pour soi-même car nos défaillances s’imposent à nous avec trop d’évidence.
N’étant pas croyant, la notion de jugement dernier m’est totalement étrangère. Mais sans redouter une justice divine, je sais que la vie, elle-même, suffit à faire perdre leur superbe à tous ceux dont l’arrogance à fait perdre l’humilité nécessaire. Au regard de l’insignifiance de notre passage sur terre, une certaine modestie s’impose.
Obligé d’affronter notre profonde vérité en face, une seule chose importe, trouver une certaine dignité dans l’ensemble de cette existence chaotique. Aux yeux de notre famille et des quelques personnes qui nous sont proches et malgré les faiblesses de la nature humaine, a-t-on fait face correctement à nos responsabilités en toutes circonstances ?
Personnellement, je ne réclame aucune indulgence et puis, comment être déçu d’un homme dont on n’attendait rien ?