Cédric, 34ans toulousain, est connu sous son nom d’artiste TILT. Il débute à 16 ans avec ce nouveau mode d’expression dans sa cité près de Toulouse, c’est ensuite dans les caves et garages munis des bombes qu’il pratique son art.
TILT aimerait désormais vivre uniquement de son art qui s’étend à la peinture, la photo et la sculpture.
Ce graffeur inspiré par la scène new-yorkaise immortalise au flash et en numérique, ses modèles dans le plus simple appareil, dans des recueils de photo qui se vendent par milliers. Des filles accostées dans la rue, qu'il baptise ses « Bubble Girls ». Pudiques, scandaleuses, coquines ou rêveuses, elles sont à la cité ce que les pin-up étaient à nos grands pères. Des phantasmes éphémères.
L'idée lui est venue au terme d'une relation amoureuse, il y a deux ans. Soucieux de préserver ses habitudes d'artiste globe- trotteur, il est alors en quête de renouveau : « Après avoir passé 15 ans à ne jamais être en contact avec un support autre que les murs (pas toujours très causants), j'ai découvert un rapport humain avec ce que je peins.»
Mêler la passion du voyage aux rencontres, tout en s'exprimant sur des terrains inédits. C'est un peu le mot d'ordre de ce gentleman qui avoue n'avoir « jamais ressenti le graffiti comme une forme d'agression ». Car si ses modèles dévoilent leurs formes et leurs charmes aussi ouvertement, Tilt réfute toute tentative de voyeurisme. « Le procédé se base sur un vrai échange. Elles me donnent quelque chose de très intime, proche de l'interdit. Pour les remercier de m'avoir prêté un bout de leur corps, je peins leur prénom sur un mur de la ville, à mes risques et périls. »
Plus exigeant envers lui-même qu'envers ses modèles, Tilt s'impose une sorte de dogme qu'il respecte au pied de la lettre. « Je ne fais jamais appel à des mannequins professionnelles. Elles doivent sembler réelles, représenter une certaine beauté, mais surtout rester authentiques. C'est à moi de trouver ce qui les rend spéciales. » Une quête où la nécessité laisse aussi place à l'imprévu. Promenant sa besace de ville en ville, à travers l'Europe, l'Asie, la Nouvelle-Zélande ou les Etats-Unis, il peut « passer des heures entières dans la rue, assis sur un banc ou sur la terrasse d'un café », à l'affût de celle qui le séduira par son aura. « C'est tellement fou qu'une inconnue accepte de venir seule dans une chambre d'hôtel pour faire des photos aussi intimes, même si c'est elle qui décide de se mettre à nu ou pas... Sachant qu'il est beaucoup plus facile de trouver un mur qu'une fille qui veuille bien poser. »
Ce déploiement se reflète dans les clichés des «Bubble Girls ». Par l'utilisation abusive de la couleur, du flash et de cadrages volontairement maladroits, les images de Tilt se veulent instantanées, libres de toutes contraintes. Ne cherchons pas la prouesse technique ou l'éclairage subtil, surtout pas. « J'avais envie d'économiser quinze ans de pratique de la photo pour revenir à quelque chose de plus primitif, en rapport étroit avec ma peinture. Je ne fais que des photos au flash. Quand on prend une bombe de peinture, si on est trop près du mur, ça va se mettre à couler. Avec un appareil photo au flash, l'exercice est le même : trop près du modèle, elle va cramer ; trop éloigné, elle sera embrumée. »
Cette façon de faire vient d'un challenge lancé à ses débuts. Car si les graffeurs ont produit des chefs-d’œuvre dans des conditions souvent extrêmes, avec des peintures pour voitures ou mobilier, le photographe peut se passer de l'outillage classique. Il ne lui reste alors que son regard, qu'il posera avec le poids d'un nuage, en toute simplicité.
Fetish Bubblegirls, par Tilt, edition Fantomass Publications.