Même si pour des besoins électoralistes ces deux présidents se sont revendiqués de gauche, je n’ai jamais été dupe de la supercherie mais c’est bien sous cette étiquette usurpée qu’ils se sont fait élire par des électeurs de bonne foi.
Dans ma famille, en politique, la gauche représentait des valeurs d’humanisme. J’ai été éduqué sur les bases du front populaire et sur le programme du conseil national de la résistance.
Si Léon Blum amorce les réformes en 1936, je n’ai toutefois pas oublié qu’il écrivait : « Nous ne sommes que les gestionnaires fidèles du capitalisme ».
On m’avait expliqué l’histoire de ces luttes populaires pour que je comprenne bien que les droits sociaux dont nous bénéficions avaient été conquis de haute lutte par la classe ouvrière.
J’avais été admiratif d’Ambroise Croizat et de ses camarades qui en quelques mois avait mis sur pied la sécurité sociale qui encore aujourd’hui représente la plus belle conquête sociale qui représente un exemple pour le monde entier.
Après la nationalisation de l’énergie et des usines Renault, la poste et le chemin de fer constituaient des services publics sûrs et efficaces.
Les trains arrivaient à l’heure, même s’il fallait voyager de nuit de longues heures pour aller du nord au sud de la France. Le courrier acheminé rapidement à destination, souvent distribué deux fois par jour dans les grandes agglomérations. Il n’était nul besoin de contracter une assurance pour que son colis arrive à bon port. Choisir la profession d’instituteur dénotait d’une certaine noblesse d’esprit, les enseignants étaient respectés et sans qu’on songe à les stigmatiser pour les vacances scolaires en les désignant comme des profiteurs.
Les chômeurs n’étaient pas encore des demandeurs d’emploi suspectés de se la couler douce en abusant du système. Les vieux bénéficiaient d’une retraite bien méritée sans qu’ils aient besoin de capitaliser en plus toute leur vie. Tous ses droits étaient payés par les cotisations sociales au compte de la solidarité avant qu’on ne les travestisse en charges sociales responsables de la fermeture des entreprises.
Avec l’avènement de la cinquième république, le système présidentiel semblait conçu pour un pouvoir sans partage de la droite. Alors en 1981 quand François Mitterrand est élu, il est accueilli par une liesse populaire digne des espoirs de toute la gauche réveillés en mai 68.
Dans ma famille, si l’évènement est d’importance, une certaine méfiance est de mise. Militant de longue date, mon père ne pouvait oublier le passé de François Mitterrand, ce nouveau leader de l’union de la gauche. Pourtant à cette époque personne ne parle de l’engagement de jeunesse dans les croix de feu, son implication auprès du gouvernement de Vichy, son élection comme député de droite dans la Nièvre en 1946, sa décision en tant que ministre de l’intérieur de faire réprimer sévèrement les mineurs grévistes dans le nord, sa position pour l’Algérie Française dans les années 50, son opportunisme et son anti-communiste de toujours.
Pendant dix huit mois, un nouveau gouvernement mené par Pierre Mauroy fait illusion. Les 39 heures, la retraite à 60 ans, la 5e semaine de congés payés, etc.…le bilan social, et culturel est positif. Mais cela ne dure pas et rapidement les salaires sont bloqués malgré l’inflation grandissante et le chômage augmente. Dans le même temps, les charges sur les entreprises sont diminuées à partir de 1984, le taux d'imposition baisse, ainsi les marges des entreprises privées augmentent. Tous ces avantages fiscaux accordés aux entreprises mettront à mal les caisses de la sécurité sociale. Une politique néo-colonialiste persiste en Afrique aggravant encore les conditions financières de ces jeunes républiques.
Arrivent les premières nationalisations qui vont sonner la fin des services publics.
Seule l’abolition de la peine de mort honorera ces années du pouvoir de cette gauche qui ne mérite plus ce nom depuis longtemps.
L’ère Mitterrand dénaturera de façon durable l’image de la gauche véritable. Dès lors la notion d’alternance devient tout à fait normale car la différence de politique entre les deux camps n’est pas perceptible.
Sous Chirac, les démantèlements des services publics et du tissu industriel se poursuivent avec des délocalisations de plus en plus nombreuses. Mitterrand avait ouvert la voie de la mondialisation, elle s’accélère encore.
Après Maastricht, la gouvernance Européenne libérale et anti démocratique est accélérée. Alors que par référendum les Français s’expriment clairement contre le traité de Lisbonne en contradiction totale avec la classe politique et toute la presse réunie, le congrès réunit à Versailles entérine tout de même le traité au mépris de la volonté populaire clairement exprimée.
Tous les ténors du parti Socialiste se montrent complices de cette atteinte à la démocratie. En associant leurs voix aux partis de droite, ils livrent la France à la loi du marché.
Désormais la banque centrale Européenne ne joue plus son rôle, seuls les banques privés vont pouvoirs prêter l’argent aux gouvernements à des taux de plus en plus élevés en se référant à des agences de notation fantômes.
En 2005, la démarcation droite/ gauche devient claire. Le PS montre encore une fois son vrai visage.
Avec Sarkozy l’électorat vibre aux échos populistes. L’attaque des acquis sociaux est ouvertement revendiquée en jetant le discrédit sur les enseignants, les chômeurs, les retraités, les immigrés… accusés de profiter du système alors qu’une part de plus en plus belle est faite aux actionnaires des grands entreprises. Avec arrogance Sarkozy demande aux travailleurs de travailler plus alors que le nombre de chômeurs augmente. Au bilan calamiteux sur le pouvoir d’achat des citoyens et contre la dette publique, s’ajoutent de nombreuses enquêtes en cours sur les trafics d’influence et autres affaires politico-financières.
Face à lui François Hollande se fait élire facilement sur des propositions de gauche dont aucune ne sera réellement mise en place.
Stopper les stocks options et encadrer les bonus, interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux, renégociation du traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne, les revenus du capital taxé au même titre que les salaires, rétabli l’impôt sur la fortune,…Tout est vite oublié. Les promesses électorales ne valent que durant quelques semaines, le temps d’obtenir un blanc-seing pour cinq ans. Vive la démocratie !
Non seulement ces promesses sont restées lettres mortes mais le nouveau président s’acharne à poursuivre la même politique de rigueur que son prédécesseur.
Bien au contraire, alors que rien n’est fait pour sauver l’emploi, rien contre les fermetures spéculatives d’entreprises, le gouvernement offre 23 milliards aux patrons sans aucune contrepartie. La fiscalité des revenus modestes augmente et le pouvoir d’achat des Français diminue.
Seule réaction face à une large défaite aux municipales, la nomination de Manuel Valls, n’annonçait aucun changement de stratégie. Cet ancien ministre de l’intérieur qui s’était illustré par son acharnement sur les Roms, son opposition aux thèses écologistes, et ses polémiques contre la ministre de la justice, ne pouvait pas mettre en œuvre la politique sociale nécessaire.
Faire payer les intérêts de la dette payés aux banques privées avec les retraites et les prestations sociales, voilà une belle idée de gauche !
C'est plus de 1300 milliards d'euros d'intérêts que nous avons payé en 35 ans et nous continuons à rembourser à raison de près 120 millions d'euros par jour, aux déjà plus riches, qui peuvent ainsi nous les reprêter à nouveau contre intérêts.
Non les défaites du PS ne sont pas des défaites de la gauche. Ce parti ne défend aucune des valeurs d’humanisme et de progrès social. Avant que les Français soient vraiment attirés par le populisme, il faudrait tout de même qu’un jour on essaie une vraie politique de gauche.