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Savoir et imagination
L’imagination seule possède la faculté de se représenter ce qui est absent et qui n’existe ni par notre perception, ni par le pur raisonnement.
« L‘imagination est une anticipation de la connaissance…elle fait partie du cheminement qui peu à peu nous rapproche du réel » Albert Jacquard
Il ne s’agit pas ici d’une imagination artistique voire délirante qui est le propre du romancier et du poète, mais bien d’une imagination rationnelle qui remplit sa fonction heuristique en avançant une hypothèse adoptée provisoirement comme idée directrice indépendamment de la vérité absolue. Cette proposition sera retenue tant qu’elle est jugée acceptable et cohérente pour être éliminée dès qu’apparaitra son caractère irréaliste. C’est sous cette forme que l’imagination contribue à la recherche scientifique.
« L'imagination est plus forte que la connaissance » Albert Einstein
L’idée issue de l’imaginaire devra affronter à la réalité par une expérimentation.
« Les expérimentations empiriques sont les expériences faites sans idées préconçues et dans le but pur et simple de constater l'effet qui surviendra dans telle ou telle circonstance donnée. On ne cherche point à comprendre le phénomène ; on veut seulement savoir s'il arrive, s'il existe. On veut le constater »
Claude Bernard (Principes de médecine expérimentale)
Le plus délicat est d’adopter une méthode qui soit la mieux adaptée (Etiologiquement méthode vient du grec Hodos = Chemin et Meta= à travers).
C’est le chemin à travers lequel la pensée doit s'orienter dans la recherche de la vérité.
La méthode doit être soigneusement élaborée pour répondre clairement à la question posée et ne pas offrir d’ambiguïté dans l’interprétation des résultats.
La dérive tient souvent au fait de rechercher les observations qui valident un concept plutôt que d’élaborer un concept qui tient compte objectivement de l’ensemble des observations. L'histoire de la philosophie nous révèle les concepts qui ont été inventés pour faire face aux problèmes rencontrés.
Savoir et sentiment
La démarche de la connaissance peut engendrer des sentiments divers.
L’enfant peut développer une certaine fierté à exposer son savoir nouvellement acquis. Il aimera en faire la démonstration devant ses proches.
Plus tard l’adulte, face à l’ampleur de la tâche et les difficultés qui apparaissent, peut éprouver du découragement et même aller jusqu’au renoncement à poursuivre sa quête du savoir.
Certains peuvent aussi éprouver de l’enthousiasme à progresser dans leurs découvertes. Ils pourront alors regretter de ne plus pouvoir le partager avec leur entourage. Avec l’approfondissement effréné d’un sujet, on réduit fatalement le nombre d’individus capables de comprendre et avec lesquels on peut discuter ses points de vue.
Un plaisir nouveau peut apparaître à vulgariser des connaissances dans le but de communiquer avec le plus grand nombre. Ce bonheur d’enseigner est largement partagé avec la satisfaction de susciter de l’intérêt dans l’auditoire mais aussi avec le sentiment de faire reculer l’ignorance.
Depuis la guerre de 39-45, l’étude du nazisme a montré que le niveau culturel d’une société ne fait pas pour autant reculer la barbarie. En effet, l’Allemagne du début du 20ème siècle, sous de nombreux aspects, comme la musique ou la littérature, est l’une des plus évoluées du monde.
Savoir et croyance
Face au questionnement, en l’absence de réponse, peut se glisser la croyance.
« Croire n'est pas savoir ». Eric-Emmanuel Schmitt
Comme une ignorance en sursis, la croyance est une forme de savoir irrationnel qui ne laisse aucune place à la pensée. Une croyance s’impose par la force d’une autorité en opposition à tous les filtres de la réflexion logique. Croire, c’est avoir raison contre toute raison.
« On croit ce que l'on veut croire ». Démosthène
Les hommes tiennent plus à leurs croyances, qu’ils n’oublient jamais, qu’à leur connaissance qu’ils peuvent facilement délaisser.
Un des atouts principaux de la croyance est qu’elle peut fournir des raisons de vivre dans une certaine insouciance et le confort de l’ignorance, pouvant aller jusqu’au déni. De plus, comme la croyance est toujours collective, on aime la partager et la répandre autour de nous. Cette communion de pensée entretient la croyance en même temps qu’elle fournit un lien social virtuel.
« La plus grande marque de puissance sur soi-même est de suspendre sa croyance en présence d'une idée qui excite les émotions » William James
Cette attitude ne vaut pas uniquement pour le domaine religieux.
La croyance n’est ni un savoir, ni une connaissance. Elle a besoin d’une volonté de l’esprit pour le contraindre à adopter cette conviction en repoussant sans cesse le doute. Or, le doute est le seul état d’esprit permettant la démarche nécessaire pour approcher la vérité.
La croyance est une solution de facilité car elle seule permet d’accéder à la certitude.
« Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou » Friedrich Nietzsche
Or, cette certitude est sans doute confortable et rassurante mais totalement incompatible avec la recherche de la vérité. Par définition, elle marque un point final à tout désir de progresser sur le chemin de la connaissance.
« Je voudrais le marbre de la certitude pour y installer mes doutes » Jean Rostand
à suivre...