La fuite du roi Gradlon". Par Évariste-Vital Luminais, vers 1884. (Musée des Beaux-Arts de Quimper)
Il n'existe aucune trace du mythe originel. Ce n'est qu'en lisant entre les lignes de l'histoire chrétienne qu'on peut, peut-être, reconstruire, a posteriori, un mythe "ancien". Les celtes n'avaient pas de culture écrite. Mais, une chose est certaine: le fond et l'origine du mythe reposent sur le fait qu'Ys est victime de la colère de Dieu.
À l'origine, Gradlon vivait en Is avec sa fille Ahès (Dahut). Is était une ville immense et cosmopolite, où Gradlon faisait respecter le principe d'égalité. Les citoyens étaient très riches, tout comme la ville, et des gens et des cultes très diffèrents y étaient présents. Un jour les moines Corentin et Guénolé arrivent en Is. Ils veulent s'y établir et construire une église. Gradlon et Ahès refusent que l'église soit construite en ville mais acceptent qu'elle soit faite à l'extérieur (pour respecter les croyances de chacun, les lieux de culte ne peuvent être construits dans la ville). Les moines très compréhensifs acceptent. Au fur et à mesure du temps, ils deviennent proches du roi et sont heureux de vivre dans cet endroit merveilleux. Ahès, très liée à la Déesse de la terre (le nom Ahès aurait donné leur nom aux Monts d’Arrée), lui rend souvent hommage en quittant le ville pour se promener dans les bois. Mais un jour des émissaires de l'Eglise catholique romaine arrivent, menaçant Gradlon d'attaquer la ville s'il n'y fait pas construire une église. Tous sont choqués, et malgré-eux Guénolé et Corentin doivent quitter Is pour suivre les émissaires jusqu'à Rome, afin de s'entretenir avec le Pape de la future église. Les deux moines sont très réticents, car ils savent que cela détruira Is et son équilibre. À leur retour, ils sont dépités : ou Gradlon obéit, ou Is sera rasée par Rome. Ahès, révoltée, fuit la ville, se rend dans les monts d'Arrée et demande l'aide du dieu Cernunnos, l'église en a plus tard fait le diable en assimilant ses cornes de cerf à celles du diable. Cernunnos dit alors à Ahès de rentrer à Is, et que la nuit venue il sauvera la ville. Pendant la nuit la ville est submergée par les flots et s'enfonce au fond de la mer. Seuls restent Gradlon et les deux moines, qui étaient en-dehors de la ville. Attristé par la perte de sa ville et surtout de sa fille, Gradlon décide de quitter les lieux, et de ne rien reconstruire sur les lieux.
Les compères se dirigent alors vers le sud et fondent Quimper, où Gradlon finira sa vie et où les deux moines construisent une église.
Is, quant à elle, est toujours en vie sous les flots, les citoyens étant restés immortels. On raconte qu'un jour, celui qui verra la ville sous les eaux et s'y rendra permettra de lever la protection de Cernunnos, et que la ville resurgira, plus radieuse que jamais, et que ce jour les héros des Bretagnes reviendront tous de l'Autre Monde (le royaume celte des morts).
On retrouve des récits semblables dans trois grands branches de la civilisation celte (les bretons, les gallois et les irlandais). Les légendes se fondant généralement sur une histoire vraie, il est probable qu'une telle catastrophe ait eu lieu lorsque les Bretons, les Gallois et les Irlandais ne formaient qu'un seul et même peuple.
Il existe de nombreuses variantes de cette légende dans laquelle on retrouve mise en scène l’opposition entre les croyances païennes et l’église catholique. Ce mythe de la cité engloutie et de se habitants immortels, qui surgira un jour des flots, fonde la survivance des croyances celtes.