Si on ose une comparaison avec le monde végétal ou animal, on constate facilement que l’évolution de l’homme n’a pas simplement suivi les modifications de son environnement.
Caractérisé par une grande capacité d’observation et de raisonnement l’homme a fait progresser ses conditions de vie et développé des capacités nouvelles.
Chaque geste du quotidien a subit le filtre des déductions faites sur la base du respect et de la transgression.
Il est évident que pour progresser il est nécessaire de remettre en cause le bien fondé des choix antérieurs et ne pas hésiter à transgresser les connaissances ancestrales. Une mauvaise adéquation avec les besoins réels se traduit par une sanction immédiate. Après plusieurs innovations inadéquates, le respect s’impose face aux bon sens acquis au cours du temps.
Dans ces conditions, le progrès est instantanément mesuré à l’aune des bénéfices ressentis par les usagers. Sur ces bases, l’esprit d’analyse progresse vite. Le bon sens s’impose de lui-même mais il a fort à faire pour exister face aux pouvoirs extravagants de toutes sortes.
Une vérité scientifique éclot toujours sur les cendres des certitudes précédentes. L’élaboration de nouveaux concepts n’aurait pu naitre du néant, nos vérités d’aujourd’hui ont poussées sur le terreau de toutes les hypothèses fausses qui ont été une à une démenties.
L’observation scrupuleuse du fonctionnement de la nature environnante à toujours fournis les plus grands bénéfices.
Le siècle des lumières et avec lui le progrès de la science ont dépassé les avancées techniques pour étendre les bienfaits de la raison aux sciences sociales et politiques. C’est ainsi que la démocratie s’est révélée être un mode de fonctionnement le plus adéquate pour les sociétés humaines même si elle prend des formes bien différentes.
Les sciences et techniques modernes nous donnent une image bien différente de la notion de progrès.
Il y a une première confusion faite entre changement et progrès. La nouveauté n’est plus assujettie au mieux
La motivation actuelle est basée très souvent sur la notion de marché. Le changement n’est plus motivé par une amélioration de vie mais par une nécessité de dégager du profit au plus vite. Le progrès est devenu une aliénation et certains sont tentés par un retour au passé dans plusieurs domaines mais souvent il est trop tard. C’est ainsi qu’on constate des expériences de vies très marginales en rupture totale avec le reste de la société.
Dans l’industrie de l’armement, les prouesses techniques évoluent sans cesse et l’efficacité des armes de guerre dépasse l’entendement. L’absurdité est poussée à son paroxysme quand on en vient à souhaiter produire de plus en plus pour simplement défendre un système économique et des emplois. A qui profite ce progrès technique ?
Dans la recherche pharmaceutique par exemple ce n’est pas l’efficacité d’une nouvelle molécule qui prévaut mais la non infériorité des effets. Ainsi on compare une nouvelle molécule au médicament de référence en exigeant simplement des bénéfices identiques. La mauvaise prise en compte des bienfaits des médecines traditionnelles et de la phytothérapie, montre également que cette industrie que l’on souhaiterait au plus proche de l’homme ne montre aucun respect pour les acquis du passé.
Dans ce cas c’est la transgression qui prend le pas sur le respect, nous ne sommes plus sur les bases d’un résonnement humain cohérent raisonnable. L’individu est confronté à un système incohérent qui le dépasse.
Dans le domaine de l’art, les nouvelles techniques associées à une imagination décomplexée permettent d’explorer des voies nouvelles. Une forte culture artistique s’appuyant sur un riche patrimoine reste toujours le socle de tentatives expérimentales réussies. Au nom de la liberté d’expression, la créativité voit son champ d’action largement ouvert. Il est toutefois dommage que le respect en matière d’art ne soit basé trop souvent que sur l’argent avec des échelles d’évaluation extravagante.
Pour un parfait équilibre entre respect et transgression, le progrès ne devrait pas être entre les mains du pouvoir de l’argent. Car l’appât du gain se substitue très vite à toutes autres notions de bienfait pour l’homme.
L’écologie nous invite à plus de respect de la mère nature, les transgressions n’ont-elles pas été déjà trop loin ?
L’agriculture s’est lancée dans une course effrénée vers plus de productivité sans se soucier des effets délétères sur les produits alimentaires et sur les sols eux-mêmes. Encore aujourd’hui on entend les céréaliers prôner la poursuite dans ce sens, soit disant pour nourrir le monde, alors que le problème de la faim n’est lié qu’à un problème de répartition des richesses et au développement de productions locales.
Sur un plan individuel, le fils pour évoluer à besoin de « tuer le père » tout en lui accordant respect et admiration pour son existence, avec ses erreurs et ses réussites.
La vie n’est en réalité qu’un passage de témoin continu. Nous profitons, non seulement des connaissances mais surtout de cette conscience de l’humanité qui nous a précédé. A nous de savoir l’écouter correctement.
Notre enveloppe corporelle n’est faite, entre autres, d’atomes de carbone, qui reconstitueront la vie à nouveau dans un nouvel organisme. L’essentiel est immatériel, à la naissance on nous confie cette matière élaborée de génération en génération, à nous de redéposer dans le pot commun un petit peu plus de richesse morale, culturelle et humaine que ce qui nous a été confié.
Ce bien de l’humanité dépasse largement le simple domaine des connaissances. Ce sont les valeurs humaines faites de sensibilité, de raison et de sens moral qui donnent un sens au fait d’exister. Alors continuons la transgression dans tous les domaines mais gardons toujours du respect pour les valeurs anciennes et pour ceux qui les ont construites.
Le chemin est encore long, la barbarie a toujours cours, l’inégalité est loin d’être éradiquée et le paradis sur terre n’est pas de ce monde.