René Char disait « Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu ».
En effet, plus j’apprends, plus je comprends et plus je regrette.
Dans un document scientifique, on s’explique quelques mécanismes de vie mais dans le même temps on est contrarié d’avoir perdu une part de rêve. Lorsque les spermatozoïdes à l’assaut de l’ovule, le sexe du futur enfant n’est choisi que par le pH de la glaire cervicale.
Pourtant la biologie laisse un très grande part au hasard, alors on s’émerveille de ces parfaits arrangements mais on n’y trouve ni égalité, ni équité.
J’aimais beaucoup les cours de chimie à l’école. Aujourd’hui ce domaine me fait peur quand je réalise que l’industrie chimique contrôle également tous les grands groupes pharmaceutiques et tous les semenciers de l’agriculture intensive.
Dans l’alimentation, plus je tente de déchiffrer la composition des produits, plus je crains de me transformer en centrale nucléaire ou une usine chimique.
Quand on lit un texte d’économie, on s’aperçoit que les politiques ont eu à leur disposition des moyens formidables qu’ils n’ont pas sus ou pas voulu appliquer. On aimerait penser qu’ils ne sont que des ignares maladroits alors qu’en réalité c’est avec une intelligence perfide que les grands principes sont détournés. Les grandes idées humanistes sont d’une parfaite simplicité seule l’avidité et le goût du pouvoir pervertissent leur application. Impartialité et justice font partie du vocabulaire des rêveurs et non pas de nos gouvernants.
On apprend que le capitalisme n’a pas la nécessité absolue qu’on nous fait croire pour l’organisation du vivre ensemble mais qu’il ne s’impose que par une surabondance de testostérone.
Pourquoi je devrais croire ces journalistes vedettes qui affichent une impartialité dans leurs shows télévisés, alors qu’ils se réunissent chaque mois à l’hôtel Crillon à Paris pour le déjeuner du « club du siècle » avec les politiques, les grands industriels et tous ces faux experts à la solde des multinationales ?
Dans les livres d’histoire, je pensais trouver des vérités intangibles. Mais au lieu de la vérité des faits je n’ai trouvé que des manipulations grossières propres à dépeindre un héroïsme de parade trop souvent au service d’un nationalisme affligeant.
On présente la bataille de Valmy le 20 septembre 1792 comme la première victoire décisive de l’armée de France après la chute de la monarchie. Le symbole est même repris aujourd’hui par un mouvement nationaliste d’extrême droite alors qu’en réalité l’armée prussienne du Duc de Brunswick fut décimée non pas par les tirs d’artillerie mais bien par une épidémie de dysenterie.
Même dans mes lectures de jeunesse, j’ai découvert que « Tintin au Congo » ne me présentait qu’une histoire aux fondements colonialistes et racistes. Dans les westerns aussi j’ai compris bien plus tard que les sauvages sanguinaires n’étaient certainement pas ceux qu’on me désignait.
Alors qu’on nous rabâche sans cesse que le droit à l’information est fondamental et que la grande priorité de notre société doit être l’éducation, où se trouve donc la vérité ?
Car moi plus j’apprends, plus je comprends et plus je regrette.