Un jour à la terrasse d’un café au quartier latin, nous étions un petit groupe d’amis, une bohémienne insista pour nous lire les lignes de la main. Dans cette ambiance estivale et un peu aussi pour faire plaisir aux filles nous nous sommes laissé faire.
Elle prit le temps avec chacun, je ne sais trop si elle avait des dons d’interprétation mais elle avait de toute évidence ceux de la parole facile et de la comédie.
Elle employait parfaitement la dramaturgie adaptée en ces circonstances. Tantôt murmurant, tantôt clamant haut et fort. Parfois même dans une langue, pour nous incompréhensible mais qui apportait une belle touche d’exotisme.
Ce rite théâtral nous plaisait
Chacun passa à son tour entre les mains de la voyante, les rires fusaient. Nous avions trouvé le bon moyen pour passer un bon moment à peu de frais.
Mon tour arriva, j’étais le dernier à tendre ma main gauche.
Elle resta longuement à l’observer sans dire un seul mot. Son silence se prolongea devenant pour moi assez pesant. Mon visage révélait sans doute mon trouble, ce qui amusa beaucoup mes amis.
Avec chacun, elle avait su trouver une manière différente de mener sa consultation, aussi personne ne fut surprit par ce nouveau scénario. Principal concerné, j’étais le seul à être anxieux par la tournure que prenaient les évènements.
Puis brusquement elle poussa un cri. Un cri rauque qui se prolongeait dans les aigues comme une longue et déchirante lamentation. Cette litanie était accompagnée de grands gestes comme pour implorer le ciel.
Elle avait lâché ma main assez brutalement et s’était enfuie aussitôt toujours en criant, sans pour autant oublier la monnaie que nous avions réunie dans une soucoupe à son intention. Elle tourna au coin de la rue et nous ne l’avons jamais revue dans ce quartier.
En voyant ma gêne, mes amis se moquèrent de moi en m’invitant à ne pas prendre tout cela très au sérieux. Je finis par recouvrer mon calme et partager la bonne humeur générale mais ce jour là, sans aucun doute, un trouble étrange s’est insinué dans mon esprit concernant ma destinée. Depuis cette époque, jamais je n’ai à nouveau tenté l’expérience de la chiromancie ou toutes autres techniques de voyance.
J’ai seulement compris que ma main gauche était traversée par un sillon unique confondant deux lignes habituellement distinctes. Cette caractéristique ne semble en rien exceptionnelle même si elle est peu fréquente.