Au pays des marins au long cours, il n’était malheureusement pas rare que des hommes ne reviennent pas à terre, perdus en mer sans qu’on n’ait pu retrouver leur corps.
Sur Ouessant, lorsqu'un marin de l'île meurt hors du pays, la nouvelle arrive le plus souvent par ses compagnons qui ont été témoins de la disparition de leur compatriote ou bien par une autorité supérieure comme la Marine Nationale ou l’armateur du navire. Cette information n’est pas directement transmise à la famille mais à la mairie et à l’église
Alors le maire ou les parents du marin, viennent au presbytère avec la lettre qui fait connaître la tragédie.
Le curé fait prévenir un proche parent de la famille du défunt et lui confit une petite croix en cire appelée Proêlla. Celui-ci garde le secret jusqu'au soir et, lorsque la nuit approche et que tous les membres de la famille sont à la maison, il va chez les parents du défunt et dépose sur la table cette petite croix.
C'est la première annonce du malheur et chacun comprend très vite ce qui se passe. Le procédé paraît dur et cruel ; mais il ne faut pas oublier que la population de l'île est pleine de foi et qu'elle sait admirablement se résigner à toutes les épreuves.
Les "Croix de Proêlla" sont de petites croix remises aux familles qui ont perdu l'un des leurs en mer. Elle était veillée à la place du corps du défunt et menée à l'église pour la cérémonie funèbre. La Proêlla désigne à la fois la croix symbolisant le disparu et la cérémonie funèbre.
Après l'office, on plaçait le Proêlla dans une urne de bois située dans l’église. Ce n’est qu'à l'occasion d'une visite de l'évêque à l’occasion de la fête des morts que toutes les croix de l’année étaient portées au cimetière. Ce rite religieux est attesté à Ouessant depuis le 18eme siècle et continuera jusqu’au début du 20eme siècle.
Il s’agit le plus souvent de marins de la « Royale » ou de la marine marchande, parfois aussi naufragés d'une barque de pêche. L’ile avait une tradition de marins au long court mais une activité de pêche assez réduite
Dans le cimetière d'Ouessant, un petit oratoire reçoit toutes ces croix de cire. Une inscription y figure qui dit ceci : « Ici nous déposons les croix de Proêlla en souvenir des marins morts loin du pays, dans les guerres, les maladies et les naufrages. »
Aujourd’hui la population de l’île d’Ouessant est vieillissante, quelques maisons sont abandonnées ou vendues comme résidences secondaires et parmi les jeunes Ouessantins, la tradition d’épouser une carrière maritime à disparue.